La Pâque hébraïque devait être immolée le vendredi. Or il convenait que la vérité s'accordât avec son image, c'est-à-dire que ce même jour fût immolé aussi le Christ notre Pâque. Par anticipation, comme disent les Pères Saints, notre Seigneur Jésus Christ célèbre la Pâque le jeudi soir : en effet, chez les Juifs, le soir du jeudi et tout le vendredi sont comptés comme un seul jour, c'est ce qu'on appelle le «nykhthêrnéron» (d'un coucher de soleil à l'autre). Telle est la raison pour laquelle Il accomplit à ce moment-là, avec Ses disciples, la Pâque selon la Loi, comme l'ont dit quelques-uns, dont le divin Chrysostome. D'abord, ils se tinrent debout, les reins ceints, les sandales aux pieds, le bâton à la main, observant tous les autres préceptes de la Loi, pour ne pas sembler la transgresser. Cette Pâque, c'est Zébédée qui l'a préparée, lui qui portait la cruche d'eau, comme l'affirme Athanase le Grand, ce qui n'est pas l'avis de tous. Ensuite, révélant à Ses disciples une célébration plus parfaite, le Seigneur institue le mystère de notre Pâque dans la chambre haute, la nuit étant déjà tombée. «Le soir venu, est-il dit, Il se mit à table avec les douze.» Remarquez-le, ce n'était pas la Pâque de la Loi, puisqu'on s'attable pour ce repas, fait de pain et de vin, alors que précédemment on avait du rôti et des azymes.

Mais, avant le début de ce nouveau repas, Il se lève de table, Il quitte Son manteau et verse de l'eau dans un bassin, faisant tout Lui-même, à la fois pour confondre Judas et pour rappeler aux autres Apôtres qu'ils ne doivent pas chercher à dominer, comme Il le montre après le lavement des pieds en disant: «Que celui qui veut être le premier se comporte comme le dernier de tous!», Se donnant Lui-même en exemple. Il semble que le Christ lava d'abord les pieds à Judas, qui sans vergogne avait pris la première place. En dernier lieu, Il en vint à Pierre; mais celui-ci, étant le plus ardent de tous, reprend le Maître, quitte ensuite à Lui laisser faire davantage. Leur ayant donc lavé les pieds et leur ayant montré l'élévation sublime que procure l'humilité, Il reprit Son manteau et Sa place, et leur enseigna à s'aimer les uns les autres, sans chercher à dominer.

Et, tandis qu'ils mangeaient, ce fut l'annonce de la trahison. Les disciples s'affligeant à ce sujet, Jésus dit au seul Jean, en secret : «Celui à qui Je donnerai un morceau de pain après l'avoir trempé, c'est lui qui Me trahira!» Si Pierre avait su de qui il s'agissait, comme il était le plus ardent de tous, il aurait pu tuer Judas. Ou encore : «Celui qui a plongé avec moi la main dans le plat ... », car on trouve l'un et l'autre.

Après un bref intervalle, Il prit du pain et dit: Prenez et mangez», et de même pour le calice : Buvez-en tous, ceci est Mon sang, celui de la nouvelle alliance, faites cela en mémoire de Moi.» Tout en faisant cela, Il mangea et but avec eux. Remarquez-le bien, ce qu'iI dit être son corps, c'est du pain, et non des azymes. Que soient donc confondus ceux qui offrent des azymes pour le sacrifice !

Après le pain, Satan entra dans Judas: si auparavant il l'avait seulement tenté, maintenant il habite en lui sûrement. Etant sorti, il donna un signal aux grands prêtres, afin de Le leur livrer, pour trente pièces d'argent. Après le repas, les disciples se rendirent au Mont des Oliviers, dans un jardin appelé Gethsémani. Quelque temps après, Jésus leur dit: «Vous allez tous vous scandaliser à cause de Moi cette nuit. » Pierre lui dit: «Même si tous Te reniaient, moi je ne le ferai pas !» Or il se faisait tard, la nuit était déjà profonde. Jésus lui dit: «Avant que le coq ne chante deux fois, tu m'auras renié trois fois.» Ce qui se produisit, Pierre ayant été saisi d'une grande peur. Dieu lui montra ainsi la faiblesse de sa nature, mais en même temps, puisqu'il va lui confier ensuite le monde entier, il lui fait réaliser que l'univers est sujet à la même nature, et qu'il devra donc se montrer miséricordieux envers les pécheurs.

Le triple reniement de Pierre représente les péchés de tous les hommes contre Dieu. D'abord, le commandement qu'a transgressé Adam; ensuite la transgression de la Loi écrite; en troisième lieu, celle des préceptes du Verbe. Mais le Sauveur le guérit par une triple repentance; c'est pourquoi il lui dit par fois fois: «Pierre, M'aimes-tu ?» Après cela, Il dit à Ses disciples (montrant ainsi Son humanité, parce que la mort est effrayante pour tous): «Mon âme est triste à en mourir.» Etant allé un peu plus loin, Il pria par trois fois, disant : «Mon Père, s'il est possible, éloigne de Moi ce calice, sans que Je le boive; cependant, que Ta volonté soit faite.» D'une part, Il dit cela en tant qu'homme, mais en même temps Il écarte habilement le diable, afin que ce dernier, croyant avoir affaire à un homme puisqu'Il craint la mort, ne fasse pas obstacle au Mystère de la Croix. Revenant vers Ses disciples, Il les trouva endormis et S'adressant à Pierre, Il lui dit : «Ainsi, vous n'avez pas eu la force de veiller une heure avec moi», traduisez : «Toi qui disais vouloir combattre pour moi jusqu'à la mort, voici que tu dors comme les autres !»

Il s'était donc rendu de l'autre côté du torrent du Cédron, là où il y avait un jardin, afin de S'y tenir avec Ses disciples. Ils avaient l'habitude de s'y rendre souvent. Aussi Judas connaissait-il l'endroit. Ayant pris des soldats et la foule le suivant, il s'avança vers Jésus, Lui donnant un baiser: c'était le signal qu'il avait convenu, parce que plusieurs fois il était sur le point d'être pris et leur avait échappé sans se faire voir. Mais ici, Jésus vient Lui-même à leur rencontre en disant: Qui cherchez-vous? Car ils ne Le connaissaient pas encore. Pourtant l'obscurité n'était pas complète, puisqu'il y avait, comme il est dit, des lanternes et des torches allumées. Effrayés, ils reculèrent et tombèrent par terre. Judas ayant fait ce qu'il avait convenu, Jésus lui dit: «Ami, fais la besogne pour laquelle tu es ici», c'est-à-dire : «Pour ce que tu es venu faire, c'est le moment opportun.» Puis il dit encore : «Suis-je un brigand, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons pour Me saisir?» Et c'est de nuit qu'ils vinrent, pour qu'il n'y eût pas de tumulte parmi le peuple. Alors le bouillant Apôtre Pierre sortit un de ces glaives qui depuis le soir étaient prêts pour la circonstance, il en frappa un serviteur du grand prêtre nommé Malchus et lui trancha l'oreille droite. Mais, sachant que les grands prêtres disaient de lui: «Il n'a pas bien écouté la Loi et il enseigne!», le Christ en fait reproche à Pierre, parce que ce n'est pas bien, pour le disciple d'un homme spirituel, de se servir du glaive. Et il guérit Malchus. Ayant donc pris Jésus, ils Le lièrent et L'emmènent chez Anne, le grand prêtre, qui était le beau-père de Caïphe. Car ils s'y étaient tous réunis, scribes et pharisiens, vociférant contre le Christ. C'est là que la servante s'en prit à Pierre et qu'eut lieu son reniement ; et, dans l'intervalle, la nuit étant passée, le coq chanta pour la troisième fois. Et lui, se souvenant, pleura amèrement. Bientôt, ce fut le matin : on amena le Christ d'Anne chez le grand prêtre Caïphe, où on Lui cracha au visage et où de faux témoins furent convoqués. Lorsque brilla le jour, Caïphe L'envoya chez Pilate. Tout en L'y conduisant, «ils n'entrèrent, pas dans le prétoire, pour ne pas se souiller, afin de pouvoir manger la Pâque». Certains, comme dit Chrysostome, allèguent que pharisiens et grands prêtres auraient alors commis une infraction envers la Loi en déplaçant la Pâque, car c'est cette nuit-là qu'ils auraient dû la manger, et ils l'auraient déplacée pour pouvoir tuer le Christ. Mais, s'ils devaient manger la Pâque à ce moment, le Christ a montré, en la mangeant le soir avant, qu'Il nous initiait au mystère parfait; ou bien, comme on l'a dit, il fallait que devint réalité ce qui n'était, dans la Loi, qu'une image. Et de fait aint Jean dit: «avant la fête de Pâque». C'est pour ces raisons que nous fêtons nous aussi tout ce qui eut lieu ce jeudi-là et la nuit suivante, et que de ces ineffables faits et gestes nous faisons mémoire avec crainte.




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