Notre Saint Père Eutyche était originaire d'un village de Phrygie (vers 512). Il fut élevé par son grand-père, skevophylax de l'église d'Augustopolis, puis il alla poursuivre ses études à Constantinople. Comprenant cependant que la sagesse de ce monde est devenue folle (cf. 1 Cor. 1:18), il songeait à embrasser la vie monastique. Mais Dieu lui montra qu'Il l'appelait à un autre service pour l'édification de l'Eglise, et il fut ordonné Prêtre à l'âge de trente ans, par le Métropolite d'Amasée, qui le destinait à la charge d'Evêque de Lazique. Un autre ayant été élu, Eutyche put réaliser son saint projet et se retirer au Monastère d'Amasée, dont il devint par la suite Higoumène.

L'empereur Justinien (527-565), soucieux d'expurger de l'Eglise toutes traces de l'hérésie nestorienne, réunit alors (544) un concile local dans le but de condamner, même après leur mort, Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyr et Ibas dEdesse, nommés les Trois Chapitres. Le Métropolite d'Amasée, empêché de se rendre à ce synode pour raison de santé, envoya Eutyche pour l'y représenter. Pendant les sessions le pieux et savant Eutyche fit ladmiration des Pères par sa connaissance approfondie de l'Ecriture Sainte et par son habileté à réfuter les arguments des hérétiques. Rappelant l'exemple du roi Josias, qui avait fait déterrer et brûler les ossements des idolâtres (cf. IV Rois 23:16), il déclara qu'on pouvait anathématiser des morts, afin de protéger l'Eglise contre l'influence perverse de leur doctrine.

Le Patriarche Saint Mènas (cf. 25 août) le prit en affection et, à la suite d'une révélation divine, il prédit qu'il serait son successeur. Effectivement, dès le décès du Patriarche, Eutyche fut désigné par l'empereur pour lui succéder, à la grande joie du peuple. Dès son avènement le bon pasteur, désirant affermir la paix de l'Eglise sur les bases d'un Concile OEcuménique, convainquit le souverain de réunir le Cinquième Saint Concile OEcuménique à Constantinople (553) (1). Présidée par Saint Eutyche, en présence de 165 Pères, la Sainte assemblée confirma la doctrine des quatre Conciles précédents et promulgua quatorze anathématismes condamnant les écrits de Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyr et Ibas d'Edesse(2), et anathématisa de plus Origène et Evagre dont les écrits, malgré leur influence considérable dans la doctrine des Pères de l'Eglise, avaient occasionné à cette époque le réveil d'un dangereux courant origéniste. Le Concile ayant été clos par une grande concélébration, les Pères se séparèrent et l'Eglise put jouir de la paix pendant une douzaine d'années. Mais sur l'instigation du père de l'erreur, certains sophistes attirèrent l'empereur Justinien, toujours désireux de se rallier les monophysites, dans les rets d'une nouvelle doctrine hérétique : l'aphtartodocétisme, selon laquelle le corps du Christ aurait été impassible et incorruptible par nature et le Seigneur n'aurait, par conséquent, enduré les souffrances de la Passion que par un miracle de Sa volonté (3). Réalisant qu'une telle doctrine n'était en fait qu'un monophysisme à peine déguisé, qui remettait en cause la réalité même de l'Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ, Saint Eutyche s'opposa de toutes ses forces à la doctrine de l'empereur et de ses théologiens de cour. Le 25 janvier 565, alors qu'il célébrait la Liturgie au palais d'Hormisdas, il fut tiré du sanctuaire par les hommes d'armes et enfermé dans un Monastère de Chalcédoine. Un tribunal d'Evêques complaisants à la volonté du souverain déposa le Saint Evêque et le condamna à l'exil, sous les prétextes risibles qu'il mangeait des viandes délicates et priait à genoux pendant de longues heures.

Après quelque temps passé dans un monastère de l'île de Prinkipos, le Saint fut renvoyé dans son Monastère d'Amasée, en remerciant Dieu de l'avoir jugé digne de souffrir pour la cause de la Vérité. Pendant ce séjour à Amasée, il put jouir d'une quiétude bienfaisante et accomplir de nombreux miracles pour les fidèles éprouvés qui venaient demander ses prières.

Au terme d'un exil de douze années, il fut rappelé sur le trône de Constantinople par les coempereurs Justin II et Tibère (576). Toute la cité, des plus hauts dignitaires au simple peuple, lui réserva un vibrant accueil, et sur le chemin du retour la foule criait : « Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur! » Le Saint apaisa alors par sa prière l'épidémie qui ravageait la ville depuis quelque temps et lors de la Liturgie qu'il célébra à Sainte-Sophie, il distribua la Sainte Communion à la foule pendant six heures entières.

Au cours de ce second Episcopat, qui dura un peu plus de quatre ans, Saint Eutyche confirma son Eglise dans la vraie foi, appuyant son enseignement par la puissance de ses miracles. Il s'endormit en paix le dimanche de Thomas (582), après avoir prédit à l'empereur Tibère, accouru à son chevet, qu'il le suivrait quatre mois plus tard. Son corps fut inhumé sous l'Autel de l'église des Saints-Apôtres, aux côtés des reliques des Saints Apôtres André, Luc et Timothée (4).

1) Ce Concile est commémoré le 25 juillet.
2) Il faut noter que ces deux derniers ne furent pas condamnés personnellement, car ils s'étaient présentés au Concile de Chalcédoine (451) pour se rétracter sur leurs écrits en faveur de Nestorius.
3) Malgré les témoignages de la vie de S. Eutyche et de l'historien Evagre, on peut tout de même s'étonner que l'empereur-théologien se soit laissé entraîner dans une erreur aussi grossière. Peut-être s'agit-il d'une interprétation tendancieuse de sa politique de réconciliation des monophysites? La déposition de S. Eutyche serait alors due à une autre raison.
4) Son précieux chef est aujourd'hui vénéré au Monastère de Chilandar, au Mont Athos.




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