Les Églises Coptes et Ethiopiennes célèbrent à divers jours la fête du 12ième patriarche d'Alexandrie, Démétrius, qui n'a jamais reçu d'honneurs liturgiques dans les autres patriarcats orientaux ni en Occident.
Vers la fin du 10ième siècle, Sévère, évêque d'El-Eschmounein en Haute-Égypte, composa une Hist. des patriarches de l'Église Copte d'Alexandrie, à l'aide de l'Hist. eccl. d'Eusèbe, de diverses sources et de traditions d'origine assez suspecte.
Il commence en racontant que, dans la nuit qui précéda sa mort, le patriarche Julien (180-189) vit un Ange du Seigneur qui lui dit "Tu vas aller vers le Messie; l'homme qui entrera demain chez toi avec une grappe de raisin doit être patriarche après toi". Le lendemain arriva un paysan marié qui ne savait ni lire, ni écrire, mais qui, ayant trouvé dans sa vigne une grappe de raisin, bien que ce ne fût pas la saison, l'apportait au patriarche. Julien raconta sa vision et mourut le jour même. Démétrius fut aussitôt sacré.
Cependant quelques fidèles commencèrent à blâmer Démétrius, car aucun des anciens patriarches n'avait été marié. Un Ange lui apparut et lui prescrivit de faire cesser leur étonnement. Le 12 du mois de Barmahat (8 mars), Démétrius célébra le saint Sacrifice, puis fit allumer du feu dans l'église et envoya chercher sa femme. Il se mit à prier et marcha jusque sur le feu où il s'arrêta. Il plaça un tison dans son vêtement, appela sa femme et versa du feu dans sa robe; au bout de plusieurs heures, les vêtements n'étaient pas brûlés et Démétrius expliqua sa conduité : son père l'avait marié contre son consentement et sa femme avait été contrainte elle aussi; depuis 48 ans, bien que dormant dans le même lit et sous la même couverture, ils n'avaient jamais usé du mariage et chaque nuit l'Ange du Seigneur les couvrait de ses ailes; il n'aurait jamais rien révélé de tout cela, si le Seigneur ne le lui avait ordonné. Les fidèles étonnés louèrent le Seigneur et demandèrent pardon au pape. Une fête fut instituée pour commémorer la virginité de Démétrius (8 mars).
Cette anecdote rappelle celle que Grégoire de Tours raconte de l'évêque d'Autun, Simplice (voir au 24 juin, t. 6, p. 405-406; In gloria confessorum, c. 76), mais naturellement les garanties de véracité font défaut et il est invraisemblable que Démétrius ait été élu alors qu'il n'était qu'un paysan illettré.
Sévère d'El-Eschmounein continue l'histoire du pontificat de Démétrius en rappelant les principaux faits qui eurent lieu alors, en particulier la persécution de Septime-Sévère et les rapports du patriarche avec Origène qu'il qualifie d'hérétique sans nuancer son jugement.
Il serait très intéressant de savoir la part que prit Démétrius dans l'essor de l'école d'Alexandrie, qui fut dirigée pendant son épiscopat par 3 maîtres éminents, Pantène, Clément et Origène.
Saint Jérôme prétend que Démétrius envoya Pantène prêcher dans l'Inde et qu'il en rapporta l'évangile selon saint Matthieu écrit en hébreu que saint Barthélemy y avait laissé; mais Eusèbe, qui le premier raconte le fait, ne mentionne pas Démétrius, qui n'était peut-être pas encore évêque à cette époque.
Des rapports de Démétrius et de Clément nous ignorons tout.
Origène n'avait que 18 ans quand Démétrius lui confia la direction de l'école, en le surveillant sans doute assez attentivement, car il ne badinait pas sur les questions de discipline; pourtant sa bienveillance était réelle et ne faillit pas quand il sut qu'Origène avait appliqué au sens le plus strict la parole du Seigneur "Il y a des eunuques qui se sont rendus tels eux-mêmes pour le royaume des cieux."
Vers 215, Démétrius envoya Origène en Arabie; à son retour, le grand docteur dut repartir et se rendit en Palestine où les évêques de Césarée et de Jérusalem l'invitèrent à prêcher dans les églises, coutume locale peut-être, que Démétrius désapprouva, estimant que de la part d'un laïque c'était une usurpation; il rappela Origène, sans d'ailleurs lui appliquer aucune sanction.
Vers 230, Démétrius autorisa Origène à se rendre en Achaïe pour combattre des hérétiques et le munit de lettres de recommandation. Lors de son passage à Césarée, les évêques l'ordonnèrent prêtre. Cette ordination irrégulière enflamma la colère de Démétrius qui en 231 réunit 2 synodes contre Origène : il lui reprocha son ordination irrégulière, sa mutilation volontaire, l'accusa même d'avoir favorisé l'hérésie, le déposa, l'excommunia et lui interdit d'enseigner. La sentence fut expédiée à tous les évêques de la terre, mais les évêques de Palestine refusèrent de la ratifier. Eusèbe et saint Jérôme ont violemment flétri la conduite de Démétrius, le traitant de calomniateur, de chien enragé, incapable de comprendre le docteur et jaloux de sa gloire; ce jugement sévère, qui s'explique par leur admiration pour leur maître, est excessif Démétrius tenait à maintenir les droits de l'autorité hiérarchique et son successeur Héraclas ne tenta même pas d'adoucir les sanctions portées contre son maître et ami Origène, qui ne parut plus jamais à Alexandrie.
Il semble que Démétrius s'occupa de la fixation de la date de Pâques et en écrivit au presbytre romain, Victor.
Il mourut, dit-on, à 105 ans, le 8 mars 231, après 43 ans d'épiscopat, durée que devait dépasser l'un de ses successeurs, Athanase (328-373).




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