Saint Théophane le Reclus est né le 10 Janvier 1815, au cœur de la Russie. Son père était prêtre et, par conséquent, dès les premières impressions de sa jeunesse, il vécut avec l’Église. Les conditions difficiles et même sévères du Séminaire d’Orel, où il étudia, développèrent en lui un fort tempérament mental.



Il poursuivit ses études à l’Académie théologique de Kiev. On peut supposer que pendant ce temps le jeune étudiant se rendit souvent au monastère de Grottes de Kiev, célèbre à juste titre, où aurait pu être formé en lui la résolution de quitter le monde. Avant même la fin du séminaire, il fut tonsuré moine. A cette occasion, il se rendit au monastère auprès d’un célèbre staretz, le hiéromoine Parthène, qui lui dit : "Rappelle-toi qu’une chose est plus nécessaire que tout, prier et prier Dieu sans cesse en esprit et dans le cœur”. Ce conseil fit une impression durable sur le moine récemment tonsuré et il passa le reste de sa vie à s’efforcer d’atteindre cette “seule chose nécessaire” (titre d’un de ses ouvrages sur la prière). Après avoir terminé son séminaire avec une maîtrise, le hiéromoine Théophane fut nommé recteur temporaire de l’école théologique de Kiev-Sophia. Les années suivantes, il occupa divers postes administratifs et d’enseignement dans différents séminaires et académies, mais ces travaux d’érudition ne lui suffisaient pas et il demanda à être relevé de ses fonctions universitaires.



En 1859, il fut consacré évêque de Tambov, où il établit une école diocésaine pour filles. Pendant son séjour à Tambov, saint Théophane en vint à aimer l’ermitage isolé de Vysha. Durant l’été 1863, il fut transféré à Vladimir, où il servit pendant trois ans. Là aussi, il ouvrit une école diocésaine pour filles. Il servit souvent à l’église, voyagea beaucoup à travers le diocèse, prêcha sans cesse, restaura des églises, et vécut de tout cœur avec son troupeau, en partageant avec eux joie et peines.



En 1866, saint Théophane demandé à être relevé comme évêque de Vladimir et fut nommé à la tête de l’ermitage de Vysha ; mais bientôt, à sa nouvelle requête, il fut libéré aussi de ce devoir. Il jugeait difficile de demeurer au milieu du monde et de ses exigences auxquelles on doit céder à cause de la corruption de l’homme. C’est une des raisons qui l’incita à quitter son diocèse et à se retirer dans la solitude. En outre, sa bonté de cœur illimitée, sa douceur de colombe, sa confiance dans les gens et son indulgence pour eux, tout cela indique que vivre au milieu des querelles de la vaine vie mondaine n’était pas son idéal. Il lui était très difficile d’être un chef, en particulier dans un poste aussi important que celui de l’évêque. Sa confiance pouvait être abusée, il ne pouvait jamais infliger les réprimandes nécessaires.



En outre, il se sentit appelé à consacrer toutes ses énergies à l’écriture spirituelle. Il voulait abandonner toutes ses pensées à Dieu seul, qu’il aimait absolument. Il voulait que rien ne puisse troubler la communion avec Dieu qui lui était si chère. Il quitta le monde pour être seul avec Dieu.



Dans la réclusion, invisible aux gens, il devint pourtant un personnage public d’une ampleur considérable. Il ne recherchait que le Royaume de Dieu. Les six premières années, il assista à tous les offices et à la liturgie matinale. Dans l’église, il se tenait, sans bouger, sans se pencher, les yeux fermés pour éviter d’être distrait, et les jours de fête, il avait l’habitude d’officier.



A partir de 1872, cependant, il cessa toute relation avec les gens, sauf avec l’archiprêtre et son confesseur. Il n’alla plus à l’église du monastère, mais construisit de ses propres mains dans ses appartements une chapelle dédiée au Baptême du Seigneur. Pendant les dix premières années, il servit la liturgie dans cette chapelle chaque dimanche et jour de fête, et pendant les onze années suivantes tous les jours. Il était complètement seul, parfois en silence, mais parfois il chantait.



Il semblait ne plus être un homme, mais un ange, avec une douceur et une gentillesse enfantines. Quand les gens venaient à lui pour affaires, il disait ce qui était nécessaire et il retournait à la prière. Il mangeait juste assez pour ne pas ruiner sa santé. Tout ce qu’il recevait, il l’envoyait par la poste aux pauvres, gardant tout juste assez pour acheter des livres nécessaires. De ses publications, qui étaient rapidement distribuées, il ne recevait rien, en espérant seulement qu’elles pourraient être vendues aussi bon marché que possible.



Dans les rares moments où il était libre de la prière, des lecture ou de l’écriture, il s’occupait avec du travail manuel. Il peignait des icônes excellentes et était doué pour la sculpture sur bois et la serrurerie. Chaque jour, saint Théophane recevait entre 20 et 40 lettres, et il répondait à toutes. Avec une sensibilité extraordinaire, il pénétrait la situation spirituelle de son correspondant et chaudement, clairement et en détail répondait à cette confession d’une âme en détresse. En plus de cette énorme flux de correspondance, ses années de réclusion produisirent également une multitude de livres. Il s’agit notamment de travaux sur la théologie morale, comme “la voie du salut“, “La vie spirituelle et comment s’y accorder“, des commentaires sur l’Écriture Sainte, et des traductions, parmi lesquelles se trouve le classique spirituel “Le combat invisible “.



La vie de saint Théophane fut invisible pour le monde, et sa mort fut dans la solitude. A partir du premier janvier 1891, il y eut plusieurs irrégularités dans son programme. L’après-midi du 6 Janvier, son clerc le trouva couché sur son lit, sans vie. Son bras gauche était appuyé sur sa poitrine et son bras droit était replié, comme pour une bénédiction épiscopale. Il était mort le jour même de sa fête la plus aimée, celle du Baptême du Christ, à laquelle sa chapelle avait été consacrée. Le corps du saint resta dans sa chapelle pendant trois jours, puis trois autres jours dans la cathédrale, sans corruption. Quand il fut revêtu de ses habits d’évêque, le visage du mort s’éclaira d’un sourire joyeux.



Tout était extrêmement simple dans la cellule de saint Théophane. Les murs étaient nus, les meubles anciens. Il y avait une malle avec des instruments pour travailler au tour, pour la menuiserie, la reliure, le matériel photographique, un banc de sciage, un banc de menuisier, et de nombreux livres écrits en russe, slavon, grec, français, allemand et anglais. Parmi eux se trouvaient une collection complète des saints Pères, une encyclopédie théologique en français en 150 volumes, les œuvres des philosophes Hegel, Fichte, Jacobi et d’autres,dles œuvres sur l’histoire naturelle par Humboldt, Darwin, Fichte, et d’autres. On se souvient de ses paroles : “Il est bon de comprendre la structure des plantes, des animaux, en particulier de l’homme, et les lois de la vie; en eux se révèle la sagesse de Dieu, qui est excellente en tout”.



Le grand hiérarque nous est caché corporellement, mais son esprit vit toujours dans les ouvrages divinement sages qu’il nous a laissés.



L’archevêque de Vilna Nicandre décrivit l’évêque Théophane comme un professeur chrétien universel, même s’il ne parlait pas ; un personnage public, bien que reclus ; un prédicateur de l’Eglise qui fut entendu partout, même si, dans ses dernières années il n’était apparu dans aucun siège de l’Eglise. Brillant luminaire de l’enseignement du Christ pour les orthodoxes, même si lui-même se cacha au regard du peuple ; possédant à peine en suffisance des biens terrestres, mais enrichissant tout le monde de toutes les richesses spirituelles de son enseignement. Il n’a recherché aucune gloire terrestre temporelle, pourtant il est glorifié maintenant par tous ceux qui ont été inspirés par ses écrits. C’est un guide assuré dans le chemin du salut, chemin qui mène à la prière permanente et à l’intimité du cœur avec Dieu.




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